A l’époque, il y avait eu une année où la récolte a été très bonne, le mil en abondance et les greniers saturés. Il y avait donc une femme qui avait versé le mil dans un canari sans toutefois vérifier le contenu. Or il y en avait un peu d’eau dans ce dernier. Elle referme le canari. Quelques jours plus tard elle revint et ré-ouvre le canari, grande a été sa surprise les graines de mil ont commencé à germer et bien évidemment les racines ont poussé.
Ne sachant quoi faire puisque c’était strictement interdit dans pratiquement toutes les cultures africaines de verser le mil. Elle décide de sécher le mil. Elle l’étale au soleil. Deux jours plus tard le mil a séché. Elle se demande quoi faire avec ce dernier ? Elle décida quand même de l’écraser sur la pierre-à-moudre (ngurvuŋ) et se convint de faire la bouillie avec la farine (kuɓo muzum).
Elle obtient une bouillie qui n’est vraiment pas concentrée. Elle laisse dormir la bouillie. Le lendemain matin, elle ouvre le canari pour voir à quoi ressemblerait sa bouillie. Elle goûte et constate qu’elle est bien sucrée. Elle décide d’extraire le jus (ɗuco muzum). Elle goûte une fois de plus et constate qu’il y avait encore le goût de la farine.
Elle décide encore de faire bouillir le jus (vruɗ muzum). Elle plaça le canari au feu et commença à faire bouillir le jus du bilbil (mi deke) et au fur et à mesure la mousse(mongofok) ne faisait que sortir. Elle continuait à enlever la mousse. Elle se disait profiter de la mousse (parce que la mousse est bien sucrée).
Elle vit que c’était bon de faire une surprise à son mari. Or en ce moment son mari était en déplacement. Elle verse le jus dans le canari et le referme hermétiquement (dans le but de faire goûter sa découverte à son mari). Son mari revint le jour d’après et la femme se précipita pour le surprendre.
Elle ouvre le canari, et voit le jus garni d’une couche de mousse (en fait le jus s’est fermenté (muzun mi naha)). Elle goûte ce n’est plus sucré mais c’est encore meilleur. Elle vient le présenter à son mari.
Ce dernier goûte, le trouve très agréable et ordonna à sa femme d’appeler ses voisins pour témoigner la découverte de sa femme. Ces derniers ont confirmé la qualité.
Le mari recommande donc à sa femme de refaire la même chose, mais cette fois ci en lui donnant 25 tasses (5 darams) de mil. La femme reprend la procédure et à la fin elle obtient le même résultat et le mari invite cette fois ci plusieurs personnes. Ces derniers après avoir confirmés, se sont convenus de donner le mil à la femme et de repasser au rendez-vous ou à l’échéance pour boire et ainsi de suite. Plus tard, c’est devenu comme le troc (échange muzum-mil). Par la suite pour faire savoir à la population qu’il y a le muzum on verse le cef (les déchets de muzum) qui est maintenant transformé en drapeau. C’est donc ça l’historique de la découverte de muzum.
Préparation du muzum
Le muzum s’obtient à base du céréal (mil rouge ou galaŋ, le sorgho ou mosoko, le maïs ou mulgoy). La bonne qualité s’obtient avec le mil rouge qui semble être le céréal qui contient plus de glucide. Tantôt on mélange le mil rouge et le sorgho et tantôt le mil rouge et le maïs. La préparation s’effectue en deux grandes phases: la phase de pré-préparation et la phase de préparation proprement dite.
La phase de pré-préparation consiste à obtenir la farine et la phase de préparation consiste à obtenir le produit fini (le muzum)
I – La phase de Pré-préparation
Elle consiste à obtenir la farine du muzum. Nous prenons le cas du mélange mil rouge – sorgho (et c’est identique à celui du mil rouge-maïs). On mélange le mil rouge et du sorgho et majoritairement du mil rouge pour que le muzum soit à la fin plus agréable. Et puis on trempe le mélange dans l’eau (Pi daw ar yam) et après une demi-journée, on le lave et le rince (buna daw) dans un sac (gabal). Ensuite on cherche un endroit moins exposé au soleil et on étale le mil trempé. On le couvre avec le kamkam (une sorte de couverture en paille et perméable) de préférence et à défaut la bâche (poussa daw). Deux à trois jours plus tard, le mil va commencer à germer et à pousser les racines. Par la suite, on l’étale au soleil pour sécher. Le même jour ou le jour d’après en fonction de l’intensité du soleil, le mélange va sécher (woudi). On part écraser et on obtient la farine de muzum (hapa ngi muzum).
II – La phase de préparation
Elle consiste à obtenir le muzum. Elle se réalise en 03 jours.
1 – Au premier jour (Cette étape consiste à obtenir la bouillie (tay muzum))
On remplit des canaris d’eau fonction de la quantité de farine dont on en dispose et puis on verse la farine dans l’eau et on mélange jusqu’à obtenir une solution homogène. Par la suite, il faut mettre le mélange au feu. Généralement le foyer est constitué de 03 canaris disposés en triangle de tel sorte qu’il n’y ait pas échappement du feu. Une fois au feu on tourne au fur et à mesure pour éviter qu’il y ait formation des boules. Après quelques heures la bouillie devient dense. Et il faut le faire descendre pour verser dans les canaris et refermer.
2 – Au deuxième jour (Cette étape consiste à obtenir le jus de muzum (mi dedek))
Environ 12 heures après avoir refermé la bouillie dans les canaris, on ouvre pour vérifier si c’est déjà acide (korek). Si tel est le cas, on procède à la filtration (ɗuco muzum) pour dissocier les déchets (cef) du jus (mi deɗek). Ensuite on récupère le jus pour le faire bouillir une fois de plus (vruɗ muzum) dans le but d’obtenir un jus dense. Cette opération prend également 03 à 04 heures au cours de laquelle on est amené à enlever au fur et à mesure la mousse (mogofok). Après quelques heures, la mousse ne va plus se former (c’est-à-dire que c’est prêt. On fait descendre le jus dense et on le verse dans des bassines pour que le refroidissement soit accéléré. Si le refroidissement est effectif, on verse le jus froid dans les canaris.
3 – Au troisième ou dernier jour (Elle consiste à obtenir le muzum (muzum minaha)).
On se rassure que le jus s’est bien refroidi de peur que le produit final ne soit gâté. Et si tel est le cas, on verse de la levure. Quelques heures plus tard environ 06 à 08, la fermentation sera effective. Et le muzum est prêt à consommer.
Par Naomi Adaoudi, originaire de Loulou et élève au second cycle à l’ENS (École Normale Supérieure) de Maroua/Cameroun